Crapaud,

Lundi tu as eu un RDV pédo-psy pour évaluer à temps 0, avant le commencement de ta radiothérapie, ton bilan cognitif.
Le médecin m’a posé la question « qu’est ce qui a changé en Raphaël ? »
Et la réponse, c’est toi qui l’as donné :
« -Je suis plus gentil. »
Elle a continué, en demandant : « il y a autre chose qui a changé ? »
« -Maman. »
A ce moment là, mon cœur s’est décharné, déchiré…Mes larmes ne se sont plus arrêtées.

Oui, j’ai changé. Je ne serais plus jamais la même…
J’ai compris qu’elles étaient mes priorités. Toi, vous…

Non pas les tracas du quotidien, les susceptibilités en tout genre, le travail…
Tu m’as fais découvrir ce qu’était la vie. L’importance des petites joies quotidiennes qui sont les vrais bonheurs de l’existence.
Tu m’as appris les vraies valeurs et la définition des mots : Carpe Diem.
Oui, maintenant, je cueille le jour présent sans me soucier du lendemain.
Tant que vous mes hommes, vous êtes près de moi.
J’espère me souvenir à jamais de l’importance de ces mots, sans être embuée par des tracasseries insignifiantes.

Je te le dis souvent mais les paroles s’envolent et les écrits restent :
Je suis fière de toi.
Je suis fière de ton combat.
De ta force, de ta détermination, de ton courage et de ta dignité.
Tout ce que tu as accompli durant ces 6 derniers mois, avec volonté et pugnacité.
Jamais, je ne serais arrivée à parcourir le chemin que tu as accompli, avec autant de majesté que tu as pu avoir.
Tu es un modèle. Mon modèle. Tu es mon fils.

Je te compare souvent à un phénix.
J’avais prévenu ta tumeur. Comme le phénix, tu renaissais 3 jours, après avoir été réduit en cendres. Tu es sorti de ton coma. Le 23 décembre, tu te réveillais. Tu avais survécu. 2 jours après avait lieu la fête du soleil pour les romains. Jour de ton emblème, la renaissance. Jour de Noël.
Toi, mon scorpion, voulant être un phénix comme tous tes semblables, tu as accompli la tâche de tes congénères. Tu as été au-delà du monde pour devenir un être extraordinaire.
Je sais le jour où tu l’as tué… C’était sous ta bulle, la veille où tu as été mis sous morphine. Maintenant, je peux l’avouer. Malgré les dangers possibles, les interdictions, j’ai bravé l’interdit. Telle une louve, je t’ai pris tout contre moi, tout comme ce triste soir. Cette fois, j’étais prête à mordre le 1er venu, voulant t’enlever à moi. Tu avais besoin de cela pour ton combat. Cette saloperie est morte, dans les mêmes conditions qu’elle avait voulu te tuer. Nous 2 enlacés dans les bras l’un de l’autre.
Sûrement comme le phénix, tu ne pourras jamais te reproduire, dû au poison coulant dans ton sang et aux rayons bientôt reçus. Néanmoins, comme lui, tu vivras très longtemps…C’est mon vœu le plus cher. Mon bel oiseau incarnant les cinq vertus : la bienveillance, la droiture, la bienséance, la sagesse et la sincérité.

Par contre, depuis que tu sais avoir gagné, tu as peur.
Tu as peur du petit dragon, dans mon ventre.
De ton frère Ruben.
Comme s’il allait voler ta place. S’emparant alors notre relation privilégiée, de notre amour. Comme si je t’aimais seulement grâce à ta maladie.
Donc tu veux redevenir un tout petit, un bébé. Tu régresses pour affirmer que tu n’es pas un grand garçon. Tu veux me montrer que tu as toujours besoin de moi. Tu exprimes ton désaccord à cette venue, en poussant mon ventre. En disant qu’il te gène. En m’affirmant que je suis à toi. Ou encore, en urinant dans tes pantalons et en redemandant des couches. Toi, qui relié à une dérivation cérébrale, ne voulais pas faire ailleurs que dans un pot… Tu veux devenir le nourrisson que ton frère sera.

Par ces mots, je te le répète :
Mon cœur aura de la place pour vous deux. Il s’agrandira et non se rétrécira. Peut-être qu’au départ, je serai plus occuper par Ruben. Mais vous serez tous les deux mes fils, à part égale. Je vous aimerai différemment, car vous serez deux petits garçons distincts. Mais mon amour, pour vous, aura la même force et la même intensité.

J’aime les bébés lorsqu’ils le sont… pas lorsqu’ils veulent le rester.
Tu es un être si exceptionnel, je t’aime pour qui tu es. Pas pour ce que tu souhaites redevenir.
Tu es devenu un grand garçon et tu m’as fait grandir avec toi. Tu seras un grand frère exceptionnel. Je souhaite tant que Ruben et toi soyez complémentaires et solidaires, avec bien sûr, vos doses de chamailleries.

Petit à petit, tu commences à croire en mes paroles. Tu nous fais de nouveau confiance.
Ce soir, tu as embrassé mon ventre, comme tu le faisais avant. Tu es parti au lit sans protection. Tu crois de nouveau, en ces mots que je te dis quotidiennement.
Je t’aime et je t’aimerai toujours.

Car oui, mes fils, je vous aimerai toujours.♥

Maman.