À notre retour en chambre, après l’accouchement, nous étions exténués.
Fred avait déjà prévenu plusieurs de nos proches de l’arrivée d’Élisa, et il était convenu avec Sèb qu’il passerait chercher Gabriel en début d’après-midi.
J’attendais avec impatience cette première rencontre, je ne fus pas déçue.
Mon petit me manquait tellement que j’ai reconnu sa voix dans les couloirs bien avant qu’il n’arrive !
Lorsqu’enfin Gabriel est entré dans la chambre, à la fois excité et intimidé, il avait un joli sourire sur les lèvres…
Son regard a erré dans la pièce, s’est posé sur mon ventre, puis sur le berceau… En m’embrassant, il a posé ses mains sur mon ventre, comme pour s’assurer qu’il était vide, tout en répondant faiblement à mes questions. Puis il a tourné son regard vers le berceau et s’en est approché tout doucement. Fred était déjà en train d’embrasser sa fille. Gabriel arrivait de la ferme de Sèb où il avait joué avec les veaux, il était donc dans un état… passable… Il le savait et n’osait pas toucher sa sœur. Il nous a demandé de lui laver les mains, puis doucement, avec deux doigts, il a caressé le front d’Élisa, ses petites mains, ses cheveux… Il était émerveillé et ne disait rien, captivé par ce qu’il découvrait… C’était adorable !
Et puis voilà , c’était fait : il s’est détourné du berceau et a commencé à jouer avec le fauteuil inclinable qui se trouvait là …
Nous n’avons rien dit, n’avons pas insisté pour qu’il s’intéresse plus au bébé. Nous nous sommes contentés de canaliser son énergie dans la chambre, tout en discutant de choses et d’autres entre nous.
Le temps d’une tétée, il est revenu se serrer contre moi pour regarder boire le bébé…
Lorsqu’est venue l’heure de se dire aurevoir, j’ai embrassé mon petit, mon homme, et Fred s’apprêtait à partir lorsque Gabriel a voulu dire aurevoir à Élisa…
Il s’est approché du berceau, a caressé le petit front avec deux doigts, et Élisa, qui était bien éveillée, lui a agrippé le doigt fermement.
Fred et moi regardions ça de loin, distraitement, puis nous avons entendu qu’il lui parlait, alors on a écouté :
"Je t’aime ma pupuce… Je t’aime Élisa… Je t’aimerai toute ma vie… Et je te protègerai toute ma vie…"
Ils étaient seuls au monde.
Élisa regardait son frère droit dans les yeux, intensément, agrippée de toutes ses forces à son doigt, et Gabriel, très ému, lui parlait doucement, en la regardant avec amour…
C’était magnifique !...
Fred et moi ne sommes évidemment pas intervenus : c’était leur moment à eux, intense et émouvant. Leur premier vrai échange…
Nous étions très, très touchés…
Moi qui n’ai pas de frères et sœurs, je ne connais rien de tout ça, je pars dans l’inconnu. Et je découvrais là la force de ce lien qui les uni, et qui les unira pour toujours, quoi qu’il arrive…
Un instant vraiment, vraiment inoubliable…